Ségrégation Granulaire

Agiter pour bien séparer

Le mélange des poudres et des granulats est un procédé très fréquent dans les industries chimiques, pharmaceutiques et agro-alimentaires. Il est souvent souhaitable d’obtenir un mélange homogène, c’est-à-dire un mélange dans lequel les grains de natures ou  de tailles différentes sont intimement mêlés les uns aux autres.

L’agitation des grains par des secousses ou par écoulement rapide dans un récipient ou une conduite peut sembler un bon moyen pour mélanger les grains. Aussi surprenant que cela puisse paraître, l’agitation des grains entraîne à l’inverse la séparation entre les grains de natures ou simplement de tailles différentes ! Ce phénomène est appelé ségrégation de taille.

Pour observer la ségrégation de taille, on peut faire l’expérience suivante. On verse alternativement des billes de verre de deux tailles légèrement différentes dans un récipient cylindrique. On tourne ensuite le récipient autour de son axe. Au lieu d’obtenir un mélange homogène, on observe que les petites billes s’accumulent au centre et se séparent ainsi des grosses billes.

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Figure – L’agitation ou cisaillement entrainent la séparation entre les grains de natures ou simplement de tailles différentes ! (simulation N. Taberlet)

Ségrégation par vibration

Pour comprendre le phénomène de ségrégation, il faut d’abord voir sous quelle forme la vibration verticale du récipient se transmet aux grains qui s’y trouvent. On peut distinguer une phase de montée des grains suivie d’une phase de descente sous l’effet de la gravité. Les grains au milieu du récipient ne sont pas soumis aux mêmes contraintes que les grains situés à proximité des parois latérales. Cette dissymétrie provoque un mouvement de convection(circulation) des grains dans le récipient. Les grains montent (ou descendent) au centre et redescendent (ou remontent) le long des parois. Le sens de la circulation des grains dépend de la forme et de l’inclinaison des parois. Ce mouvement convectif entraîne tous les grains vers la surface libre indépendamment de leurs tailles. Mais contrairement aux petits grains qui suivent ensuite le mouvement de convection vers le fond, les gros grains ne redescendent plus et s’accumulent ainsi progressivement au-dessus des petits grains.

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Figure – La vibration provoque un mouvement de convection des grains dans le récipient.

On peut observer ce « piégeage » des gros grains à la surface en insérant un seul gros grain au fond d’un récipient rempli de grains plus petits. Le gros grain monte sous l’effet de l’agitation et, incapable de se frayer un chemin vers le bas parmi les petits grains, il reste à la surface libre.

Ségrégation par roulement

Un autre mécanisme très fréquent de ségrégation de taille est lié à la facilité plus grande des gros grains par rapport aux petits grains de rouler le long d’une pente. Ce phénomène s’observe couramment dans les régions montagneuses où des fragments de roche et des galets de grande taille s’entassent souvent au pied des talus naturels.

Si l’on verse un mélange de petits et de gros grains sur une surface inclinée, on observe que les gros grains se trouvent majoritairement au pied de la pente tandis que les petits grains s’accumulent vers l’amont. Cette ségrégation par roulement résulte de l’accumulation progressive des gros grains situés à la surface et qui ont pu dévalé une pente grâce à leur taille plus grande.

Ségrégation par avalanche

Les avalanches sont plutôt des processus collectifs mettant en jeu le déplacement de beaucoup de particules à la fois. En d’autres termes, une avalanche de grains implique le cisaillement d’une nappe superficielle de grains. Une avalanche ne peut démarrer que si le talus est à l’angle de repos. Pour un mélange de petits et de gros grains ou de grains de natures différentes, l’angle de talus diffère de l’angle de talus pour chacun des constituants pris séparément. Pour fixer les idées, considérons un mélange de sucre et de café moulu. Les grains de café sont un peu plus gros et forment un angle de repos légèrement inférieur à celui du sucre. Leur mélange devrait donc présenter un angle de de repos supérieur à celui du café et inférieur à celui du sucre.

Si l’on verse un mélange de sucre et de café moulu dans un récipient à partir d’un point fixe (à l’aide d’un entonnoir, par exemple) un tas se forme et grandit par avalanches successives de grains. On observe d’abord le phénomène de ségrégation par roulement : les grains de café ont tendance à s’accumuler au pied du tas. Ensuite, au fur et à mesure que le tas grandit, on observe que les deux types de grains se disposent en couches alternées orientées plus ou moins parallèlement à la surface du tas. Sur la photographie on distingue ces couches par leurs couleurs.

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Figure – L’angle de talus diffère de l’angle de talus pour chacun des constituants pris séparément.

Cette séparation remarquable des grains en couches successives est une conséquence du fait que, pendant l’éboulement, les grains de sucre s’arrêtent plus tôt puisqu’ils se trouvent sur une pente dont l’angle (l’angle de repos du mélange) est inférieur à l’angle de repos propre du sucre. A l’inverse, pour les grains de café l’angle de la pente est supérieur à l’angle de repos propre du café. Ainsi, les grains de café dévalent souvent toute la pente et vont plus loin que les grains de sucre. Les premiers grains de café qui arrivent au pied du tas s’y arrêtent et provoquent l’arrêt des autres grains. Ce front d’arrêt remonte la pente et recouvre les grains de sucre déjà arrêtés. Il se forme ainsi une couche de sucre surmontée d’une couche de café. Le même mécanisme implique que les couches de café sont décalées plutôt vers l’aval de la pente tandis que les couches de sucre sont plus marquées vers l’amont.