Le sablier
Dans un sablier, le sable s’écoule régulièrement du vase supérieur dans le vase inférieur. En d’autres termes, le même no mbre de grains tombe à intervalles réguliers de temps. Pour cette raison, la hauteur du sable dans le compartiment supérieur diminue proportionnellement au temps écoulé. C’est ce qui fait l’intérêt du sablier comme chronomètre : chaque grain passant marque un instant du temps. Des graduations sur le vase permettent ainsi de mesurer le temps. Le sablier était utilisé pour mesurer la durée des activités.
Si l’on remplace le sable par de l’eau, on obtient une clepsydre. Le débit d’une clepsydre diminue au fur et à mesure que la hauteur de l’eau dans le vase supérieur diminue. L’écoulement est d’autant plus rapide que la colonne d’eau est haute. Ceci est lié au fait que le débit dépend de la pression de l’eau au niveau de l’orifice, la pression étant elle-même proportionnelle à la hauteur de l’eau. Donc, le débit constant du sable dans un sablier indique que, contrairement à l’eau et aux liquides ordinaires en général, la pression dans un sablier au niveau de l’orifice ne dépend pas de la hauteur de sable. Ce phénomène est appelé effet de sablier.
Figure – Dans un sablier, le sable s’écoule régulièrement du vase supérieur dans le vase inférieur car la pression au niveau de l’orifice ne dépend pas de la hauteur de sable.
Le rôle du frottement
L’effet de sablier s’explique par la présence des forces de frottement entre les grains et les parois du récipient. Les grains dans le compartiment supérieur s’écoulent sous l’effet de leur poids vers le bas. La force de frottement entre les parois et les grains s’oppose à ce mouvement des grains vers le bas. En d’autres termes, la force de frottement agit sur le sable verticalement, vers le haut. Le poids total est évidemment toujours proportionnel à la quantité de grains, c’est-à-dire à la hauteur du sable dans le récipient. Mais une partie au moins de ce poids est compensée par les forces de frottement exercées par les parois. Ceci implique que la pression à la base n’est pas égale au poids total.
Mais, pourquoi la pression est-elle indépendante de la hauteur dans le sablier ? C’est parce que la force de frottement obéit à la loi de Coulomb : si la pression normale à la paroi augmente, la force de frottement augmente dans la même proportion pendant l’écoulement. Pour cette raison, la force de frottement exercée par les parois sur le sable est capable de compenser le poids des grains en tout point du sablier. Cette explication est due à Janssen, physicien allemand du 19ième siècle. C’est pourquoi l’effet de sablier est également appelé effet de Janssen.
Figure – L’effet de sablier s’explique par la présence des forces de frottement entre les grains et les parois du récipient.
Peser du sel
Il est possible d’observer l’effet de sablier avec une expérience simple à réaliser. On fixe sur un support un tube assez long muni d’un piston à son extrémité. Le tube est disposé verticalement au-dessus du plateau d’une balance de manière à ce que seul le piston touche le plateau. Le poids affiché par la balance est alors simplement celui du piston à défaut de la force de frottement exercée par les parois internes du tube sur le piston. On verse ensuite du sel dans le tube à l’aide d’un entonnoir.
Si l’affichage de la balance correspond au poids du sel dans le tube, alors il doit augmenter proportionnellement avec la quantité de sel déversé. Mais, ce n’est pas ce que l’on observe; le poids affiché augmente d’abord, mais il finit rapidement par saturer à une valeur constante. Ceci indique que la force exercée par le sel contenu dans le tube par l’intermédiaire du piston sur le plateau est indépendante de sa hauteur dans le tube. Si la même expérience est réalisée avec de l’eau à la place du sable, on n’observe pas l’effet de sablier; le poids affiché augmente linéairement avec la hauteur de la colonne d’eau.
Figure – Il est possible d’observer l’effet de sablier avec une expérience assez simple à réaliser.
Le sablier et les tas
Comme les forces de frottement agissent également entre les couches des grains, l’effet de sablier reste vraie également en l’absence des parois. Considérons, par exemple, un tas d’oranges. Si la pression était proportionnelle à la hauteur, alors la pression devrait être maximum sur la base juste à l’aplomb du sommet du tas. Ainsi, l’orange qui se trouverait à cet endroit serait l’orange la plus écrasée. Ce n’est pas toujours ce que l’on observe. La distribution de pressions sur le fond dépend de la manière dont les grains (ici, les oranges) sont rangés. Si l’on verse les grains à partir d’un point fixe pour former un tas par avalanches successives des grains, alors le maximum de la pression n’est pas au centre de la base, mais un peu plus loin. Dans d’autres cas, il peut y avoir effectivement un maximum de pression au centre, mais même dans ce cas, sa valeur n’est pas tout à fait proportionnelle à la hauteur.
Pour faire un lien entre cette observation et l’effet de sablier, on peut considérer les grains qui se trouvent dans un volume cylindrique imaginaire dont l’axe passe par le sommet du tas. On peut montrer que les grains externes à ce volume et en contact avec sa surface lui appliquent une contrainte de cisaillement (tangente à la surface du cylindre) vers le haut, ce qui joue le même rôle que le frottement des parois dans un sablier. La pression au fond de ce volume cylindrique résulte ainsi de l’équilibre entre le poids des grains dans la colonne considérée et les forces tangentielles exercées par les autres grains.
En toute rigueur, c’est bien la présence des forces de frottement qui permet aux grains de se mettre en tas et de former ainsi une surface libre en pente. Plus les forces de frottement sont élevées, et plus l’angle de repos est important. Dans le même temps, la force en un point de la base du tas s’écarte d’autant plus fortement du poids de la colonne de grains juste au-dessus de ce point.
Figure – La distribution de pressions sur le fond d’un tas dépend de la manière dont les grains sont rangés.