Dilatance

En raison de l’absence ou de la faiblesse des forces de cohésion entre les grains, un matériau granulaire peut s’écouler comme un liquide. Mais, contrairement aux liquides ordinaires, l’écoulement des grains s’accompagne de changements de volume.

Une expérience très simple permet d’observer ce phénomène. On verse d’abord du sel dans un tube et on le compacte un peu en donnant quelques coups sur le tube. Ensuite, on l’incline lentement pour permettre aux grains de s’écouler dans le tube. Si l’on remet le tube à sa position verticale, on observe que le niveau du sel est monté par rapport à son niveau initial. L’écoulement des grains a entraîné une augmentation du volume total du sel et donc une réduction de sa compacité dans le tube. Ce phénomène s’appelle la dilatance. Il fut étudié à la fin du 19ème siècle pour la première fois par le physicien anglais Reynolds.

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Figure – Contrairement aux liquides ordinaires, l’écoulement des grains s’accompagne de changements de volume.

Ecoulement par dilatation

La dilatance est une conséquence du réarrangement des grains lors d’un écoulement. Plus précisément, l’écoulement n’est possible que si le volume change.

Par exemple, dans l’expérience du tube incliné, on remarque que l’écoulement commence au voisinage de la surface libre, c’est-à-dire là où le changement de volume est le plus facile ; puis il se propage dans tout le volume du sel par avalanches successives, au fur et à mesure qu’on incline le tube. Au fond du tube, la dilatation, et donc le réarrangement des grains et l’écoulement, est inhibée par la présence des parois et du reste du matériau granulaire.

Si l’on répète la même expérience cette fois sans compacter initialement le sel, on peut observer une dilatance nettement plus faible, voire même une contraction du matériau. Dans ces conditions, les parois ne limitent plus les réarrangements des grains puisque le volume du sel peut alors diminuer sans restriction dans le tube. Par conséquent, l’écoulement a lieu uniformément dans tout le volume du tube dès le début.

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Figure – L’écoulement des grains commence là où la dilatation est plus facile.

Compacité critique

L’écoulement peut entraîner une diminution de la compacitési la matière granulaire est initialement compacte (dilatance positive), et une augmentation de la compacité si elle est initialement lâche (dilatance négative). Il existe donc une compacité intermédiaire, appelée compacité critique, pour laquelle il n’y a ni augmentation ni diminution de la compacité lors d’un écoulement lent. Que le matériau soit initialement lâche ou compact, il atteint la compacité critique pendant l’écoulement. Si on répète l’expérience avec le tube à partir de la fin de la première expérience (c’est-à-dire, avec le matériau dilaté dans le premier écoulement), on remarque que le niveau du matériau granulaire dans le tube reste inchangé. Ceci indique que le matériau était à la compacité critique à la fin de la première expérience.

Un matériau granulaire ne reste dans son état critique que si l’écoulement continue dans le même sens. Si on change la direction de l’écoulement, la compacité commence par augmenter, puis elle diminue de nouveau vers la compacité critique dans la nouvelle direction de l’écoulement. En d’autres termes, un matériau granulaire qui atteint l’état critique est anisotrope, en ce sens que son comportement dans cet état dépend de la direction dans laquelle il s’écoule. Si on change la direction de l’écoulement plusieurs fois de suite avant que la compacité critique ne soit atteinte, la compacité continue à augmenter puisque chaque changement de direction contribue à densifier un peu plus le matériau.

Pour voir cette compaction induite par une sollicitation cyclique, il suffit d’incliner de quelques degrés un tube rempli de sel, d’abord dans un sens,  puis dans le sens opposé. En répétant plusieurs fois ce processus, on observe que le niveau du sel baisse un peu après chaque aller-retour.

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Figure – Un matériau granulaire atteint la compacitécritique pendant l’écoulement quelle que soit sa compacité initiale.

Le sable saturé d’eau

Lorsque les pores entre les grains sont remplis par un liquide, la dilatance entraîne l’écoulement de l’eau dans les pores. Si le volume est libre de changer, une diminution de la compacité (dans le cas où le matériau est initialement compact) implique le retrait du liquide dans les pores (dont le volume a augmenté).

Pour observer cet effet, on peut réaliser une expérience simple. On remplit d’abord un ballon par des billes de verre ou du sable. On fixe un tube introduit dans le ballon et on verse de l’eau dans le tube. L’eau va progressivement envahir les pores entre les grains. Lorsque le matériau granulaire est saturé, l’eau monte dans le tube. On serre ensuite légèrement le ballon entre deux doigts et on observe que le niveau d’eau dans le tube baisse. Ceci indique que, sous l’effet du cisaillement, le volume des pores a augmenté.

On observe couramment cet effet de dilatance lorsque l’on marche au bord de la mer sur le sable saturé d’eau. Le sable s’écoule sous l’action de la pression exercée par le pied. Cette déformation du sable entraîne la dilatation du sable et donc une augmentation du volume des pores. L’eau se retire dans le volume supplémentaire ainsi créé et son niveau baisse dans une zone autour du pied. On observe ainsi que la surface du sable autour du pied s’assèche pendant quelques secondes.

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Figure – Lorsque l’on marche au bord de la mer sur le sable, la surface du sable autour du pied s’assèche.

Liquéfaction

Lorsqu’un milieu granulaire est initialement lâche, la réduction du volume des pores sous l’effet d’une déformation implique l’éjection partielle du liquide des pores. Si le liquide éjecté est évacué d’une manière ou d’une autre, le niveau du liquide ne monte pas. Dans le cas contraire, le niveau du liquide peut dépasser celui des grains. Alors, la pression de confinement initialement supportée par les grains sera supportée par le liquide. Ceci entraîne un glissement puisque le liquide, contrairement à un milieu granulaire, ne résiste pas aux contraintes de cisaillement à l’équilibre. Ce phénomène est appelé liquéfaction.

Par exemple, si le milieu granulaire en question forme un talus, la contrainte de cisaillement résulte de la composante du poids de grains suivant la surface du talus. Par conséquent, si le phénomène de liquéfaction a lieu à l’intérieur d’un milieu granulaire en pente, le talus sera déstabilisé par glissement sur la couche du liquide en surpression. La liquéfaction est effectivement à l’origine de certains glissements de terrain dans les zones où l’eau de pluie n’est pas évacuée suffisamment vite ou lorsque le sol se déforme subitement à cause d’un séisme.