Le livre Matière en Grains, édité chez Odile Jacob, est disponible depuis le 3 mai 2017.
Il a été sélectionné par le Figaro dans les livres de culture scientifique pour l’été 2017 (le Figaro 22 juillet 2017 & Figaroscope).
Il est disponible en librairie ou par Internet chez (liste non exhaustive) :
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Table des matières
- Grains, graines et poudres
- La fabrique des grains
- Des empilements de grains
- Compacité d’un empilement
- Établir des contacts
- Les manifestations du désordre
- Les chaînes de force
- Écoulements de grains
- Du château de sable aux tours d’argile
- Les grains collés
- Les fluides dans les granulaires
- Les grains dans un fluide
Préface d’Henri Vandamme
Il est des coïncidences étonnantes et heureuses. Au moment où les auteurs mettent la dernière main au manuscrit de La matière en grains se tient à Chambord l’exposition Terre Loire consacrée à l’œuvre de l’artiste japonais Kôichi Kurita. Depuis plus de vingt ans, cet artiste a arpenté son pays natal, puis la France, pour prélever des poignées de terre. Soigneusement débarrassés de leurs impuretés, ces prélèvements lui ont permis, au fil du temps, de constituer une gigantesque bibliothèque de plus de 40.000 échantillons, tous différents, de la substance la plus modeste qui soit, la terre. Dans une chapelle du château, l’artiste présente une formidable marqueterie de 1.000 terres grumeleuses disposées sur le sol en un rectangle de 12 mètres de long sur 5 mètres de large, étonnante illustration à la fois de la diversité et de l’universalité de la matière en grains.
Presque dans le même temps se tient au Pavillon de l’Arsenal l’exposition-exploration Terres de Paris, consacrée au devenir des dizaines de millions de tonnes de terre extraites chaque année du sous-sol francilien pour la construction de l’énorme partie enfouie de la ville – fondations et sous-sols de pavillons ou d’immeubles de grande hauteur, fondations et tracés de voirie, parkings, conduits de viabilisation et d’assainissement, tunnels routiers ou ferroviaires – dont nous soupçonnons difficilement l’ampleur. Avec la construction du Grand Paris Express, ce sont, d’ici 2030, près de quatre cent millions de tonnes de déblais – un tas gigantesque de grains de toutes sortes qui atteindrait presque deux fois la hauteur de la tour Eiffel – dont il faudra faire le meilleur usage possible. Le message fort de l’exposition est que, ce qui est considéré jusqu’à présent comme un déchet encombrant et coûteux à évacuer et stocker, est en réalité une ressource utilisable quasiment sur place pour la construction de la partie aérienne de la ville. Encore faut-il pour cela maîtriser toutes les facettes – chimie, physique, mécanique, ingénierie, architecture – de la mise en œuvre de cette matière en grains, tantôt sableuse ou grumeleuse, tantôt collante, qui échappe aux classifications scolaires de nos cours de physique.
Longtemps considérée comme marginale par les chercheurs par rapport aux formes canoniques de la matière – gaz, liquide, solide – et pourtant omniprésente dans notre environnement, que ce soit sous forme minérale, alimentaire ou encore médicamenteuse, la science de la matière en grains prendrait-elle enfin la place qu’elle mérite ? Au vu du nombre de publications et congrès scientifiques qui lui sont désormais consacrés, il semble bien que oui, et les trois auteurs de ce livre y sont pour beaucoup. Avec une communauté internationale dans laquelle la participation française a joué un rôle-clé, ils explorent depuis plus de vingt ans la science des populations denses d’objets, petits mais pas trop, qui se cognent, se frottent, glissent, se repoussent ou s’attirent dans un joyeux désordre. Mêlant le plus souvent physique et mécanique, ils s’efforcent de comprendre comment émerge le comportement collectif de ces assemblées qui tantôt se bloquent, tantôt s’écoulent, tantôt se prennent en masse, ou tantôt se ségrégent en sous-populations, fruit des caractéristiques des grains et du désordre de leur empilement et de leurs interactions.
Quelle différence, me direz-vous, avec la science, plus familière à la majorité des chercheurs, des populations d’objets plus petits, les atomes et les molécules ? Techniquement, la réponse est relativement simple : à la base, c’est la nature des interactions qui fait la différence. Le frottement (lorsque les grains sont secs) et la lubrification (lorsqu’il y a un fluide entre les grains) sont des interactions qui n’existent pas entre deux molécules. Elles sont propres aux échelles de tailles supérieures à l’échelle moléculaire et ce sont elles qui font émerger à l’échelle du tas un comportement particulier. Mais on peut aussi chercher une réponse plus générale. Au risque de provoquer un débat, on pourrait dire que, toute proportion gardée, le comportement des populations de grains est parfois plus proche de celui d’un banc de poissons, d’un vol d’hirondelles, d’un peloton de cyclistes, d’un flot de voitures, ou même d’une foule humaine que d’une assemblée de molécules. Et ceci a des conséquences directes sur la manière dont on modélise désormais le trafic autoroutier ou le transit des passagers dans les gares. Jadis – en réalité, il n’y a pas si longtemps que cela – on décrivait un flot de voitures ou de passagers comme le flot continu d’un liquide dont on ajustait un peu artificiellement les propriétés pour rendre compte de tout ce qui peut arriver dans la réalité. Ces modèles de mécanique des fluides, déconnectés de la réalité discontinue, ont désormais cédé la place à des modèles d’assemblées « d’agents » – en fait, des grains un peu particuliers – interagissant comme le font des conducteurs ou des piétons, tantôt prudents, paisibles et respectueux d’autrui, tantôt imprudents, pressés et agressifs. Aussi étonnant que cela puisse paraître, la science de la matière en grains (la « vraie ») est la principale source d’inspiration de ces modèles.
Sans déborder, par choix, ni sur le monde des molécules, ni sur celui des objets aussi complexes que les « grains d’humanité » que sont les humains, sauf à le mentionner, le livre d’Etienne Guyon, Jean-Yves Delenne et Farhang Radjai est un panorama très complet de la formidable diversité de comportements que nous offrent les grains, dès lors qu’ils se mettent à interagir entre eux, avec un fluide, ou avec une paroi. Ses auteurs réunissent un double sinon un triple talent, en dehors de celui de parfaitement maîtriser leur sujet. Le premier est de ne jamais perdre le contact avec la réalité. Les grains, entités abstraites ou idéales, se matérialisent toujours très vite sous des formes diverses qui nous sont proches : sol, béton, nappe phréatique, réservoir de pétrole, château ou tempête de sable, avalanche, silos de blé ou sac de riz, comprimé d’aspirine… Le second est de savoir nous faire partager le goût de l’expérience, en particulier de l’expérience dite « de coin de table ». Un sablier, une salière humide, ou un percolateur deviennent alors des instruments aussi précieux qu’un accélérateur de particules. Le troisième talent dont nos auteurs font indéniablement la preuve est leur capacité à nous faire comprendre ou plutôt nous faire construire avec eux, comme allant de soi, les équations fondamentales de leur domaine. C’est un pari risqué dans un ouvrage de vulgarisation, mais ils y réussissent très bien. Et c’est rare.
Références complémentaires
- Grains, graines et poudres
Les Atomes, Jean Perrin, Nouvelle collection scientifique, 1913
- La fabrique des grains
- Des empilements de grains
- Compacité d’un empilement
- Établir des contacts
- Les manifestations du désordre
- Les chaînes de force
- Écoulements de grains
- Du château de sable aux tours d’argile
- Les grains collés
- Les fluides dans les granulaires
- Les grains dans un fluide
Pan sur le Pif
Corrections et améliorations de rédaction de l’édition 2017 de Matière en grains. Nous remercions les lecteurs attentifs qui nous ont fait part de leurs remarques.
- Page 20, ligne 3 : il semble que l’estimation plus précise soit un poil plus faible, environ 300 milliers de kilos.
- Page23, ligne 5 : nous aurions put être moins affirmatif… « qui auront pu parcourir des milliers de kilomètres ».
- Page 127, encadré : σ doit être remplacé par ε
- Page 128, 3 lignes avant la fin : « compressibilité » plutôt que « compression »
- Page 135 : contrainte « lithostatique » plutôt que « hydrostatique »
- Page 137, légende b) : remplacer « bandes » par « lignes » ; en effet il ne s’agit pas du même type de bande qu’en a).
- Page 146, ligne 8 : remplacer « probabilité » par « concentration »
- Page 152 : sous l’effet de l’attraction moléculaire
- Page 154, légende : un ensemble de deux barres articulées (pas trois)
- Page 183, ligne 8 : coefficient de frottement interne pas effectif (voir page 187)
- Page 208 : « D’autres au contraire y arrivent… » supprimer le reste de la phrase
- Page 223, ligne 12 : « des billes de même diamètre quelque soit leur taille » (supprimer de tailles différentes)
- Page 224 : « couche terrestre continentale »
- Page 224, encadré, ligne 5 : 1 nanomètre et pas 10
- Page 224, ligne 12 : par desserrement et pas resserrement
- Page 257 : d’autant plus forte et pas faible
- Page 257, avant dernière ligne : (figure 11-1b)
- Page 311, perméabilité K, supprimer ou conductivité hydraulique
- Page 313 : Tomographie obtention de coupes planes d’un matériau tridimensionnel remplace la définition qui s’applique plutôt à la Stéréologie