Effet de talus

Les talus de grains

Les matériaux granulaires se présentent souvent sous la forme de reliefs ou de creux plus ou moins prononcés. Il s’agit d’un phénomène si familier que nous avons souvent tendance à l’ignorer. Et pourtant, c’est principalement à travers ce phénomène que les matériaux granulaires se manifestent dans la nature et dans la vie de tous les jours.

Nous connaissons bien le tas de sable de forme conique qui se forme lorsque le sable est versé à partir d’un point fixe. Dans les régions montagneuses, on observe souvent des talus formés par des fragments de roches accumulés au bord des routes. Dans les déserts, les grains transportés par le vent, s’empilent derrière les obstacles et forment des pentes. Sur les bordures des plages, on observe souvent des rides assez régulièrement espacées. Cette aptitude des matériaux granulaires à se mettre en pente ou en talus est appelée effet de talus.

Angle de repos

L’effet de talus oppose les matériaux granulaires aux fluides. Lorsque l’on incline un verre d’eau, la surface libre reste horizontale. Si on fait la même expérience avec du sable, le résultat est très différent : la surface libre du sable commence par tourner avec le verre. Ainsi, elle fait un angle avec l’horizontale.

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Figure – L’effet de talus oppose les matériaux granulaires aux fluides.

Si on continue à tourner le verre, l’angle augmente jusqu’à une certaine valeur où une avalanche de grains se déclenche à la surface et dévale la pente. Après l’avalanche, on obtient an angle légèrement plus faible que celui qui correspond au déclenchement de l’avalanche. Cette observation indique qu’il existe un angle limite, appelé angle de repos, qui ne peut pas être franchi.

C’est ce que nous observons aussi en versant des grains sur une surface par un entonnoir. Les grains qui tombent sous l’effet de la pesanteur forment un tas conique. Les grains qui arrivent sur le sommet se déversent par saccades sur les flans du tas. Le tas grandit tout en gardant le même angle limite. L’angle de repos reste ainsi le même quelle que soit la taille du talus.

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Figure – Il existe un angle limite, appelé angle de repos, qui ne peut pas être franchi.

Cet angle varie avec le type de grains. Pour un tas de billes de verre, l’angle de repos est de l’ordre de 22°. Pour le sable sec, il est autour de 30°. Pour un talus d’enrochements, l’angle de repos peut s’élever à 45°.

Il y a plusieurs façons d’atteindre l’angle de repos : en versant des grains sur une surface par un entonnoir, en laissant les grains se déverser à partir d’un réservoir, en inclinant progressivement un lit de grains initialement à surface horizontale, ou encore en poussant les grains avec un bulldozer. Quel que soit le procédé, on se retrouve toujours à la fin avec un angle de repos qui a pratiquement la même valeur et qui ne dépend que du matériau utilisé.

Ces observations suggèrent que l’angle de repos est une propriété intrinsèque d’un matériau granulaire. En d’autres termes, même si les grains sont disposés d’une manière désordonnée, ils s’arrangent toujours pour qu’une pente formée de ces grains ne puisse dépasser l’angle de repos.

Analogie avec le frottement

Nous avons vu que si on incline lentement le sable contenu dans un récipient, il tourne comme un bloc solide tant que l’angle d’inclinaison est inférieur à l’angle de repos. C’est également ce qui se passe si on pose un bloc solide sur un plan. Lorsque l’on incline le plan, le bloc ne bouge pas. Mais il arrive un moment où le bloc se met à glisser. L’angle d’inclinaison pour lequel le bloc commence à glisser est appelé angle de frottement entre le bloc et le plan.

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Figure : Il existe une analogie évidente entre l’angle de repos et le frottement.

Tout comme l’angle de repos, l’angle de frottement dépend du type de matériaux dont sont constitués le bloc et le support. Par exemple, si le bloc et le support sont en bois, l’angle de frottement est d’environ 26°.

En vertu de cette analogie, on peut dire que l’angle de repos n’est rien d’autre que l’angle de frottement pour un matériau granulaire. En effet, divisons par la pensée le talus granulaire en plusieurs couches parallèles. Chaque couche est susceptible de glisser sur la couche sous-jacente à la manière d’un bloc solide sur un plan incliné. L’angle de repos est l’angle d’inclinaison de la surface libre pour lequel une couche se met à glisser par rapport à ses couches voisines. L’angle de repos est ainsi équivalent à l’angle de frottement entre les couches de grains.

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Un comportement collectif

Dans un milieu granulaire au repos, les grains s’imbriquent et s’équilibrent par contacts multiples. Il est difficile de déplacer un grain sans perturber les autres. C’est pourquoi le repos et l’écoulement des milieux granulaires sont des phénomènes collectifs qui impliquent les interactions d’un ensemble de grains.

Par exemple, il est très difficile d’empiler des billes sur une surface plane pour construire un tas puisque les grains roulent les uns sur les autres et sur la surface, finissant ainsi par s’éparpiller. Mais, si on pose délicatement une poignée de billes sur la surface, ou si l’on verse les grains à partir d’un entonnoir que l’on relève progressivement pour laisser passer les grains par petits paquets denses, un tas se forme même si quelques billes s’éloignent en roulant.

Cette observation suggère que l’imbrication des grains contribue à bloquer leurs rotations. De même, les forces de frottement entre grains les empêchent de glisser les uns sur les autres. Sans roulement et glissement des grains, le tas peut donc rester au repos sans s’étaler sur la surface.

L’effet de talus est donc une propriété d’un ensemble de grains et non une propriété spécifique à chaque grain. Néanmoins, la valeur de l’angle de repos dépend dans une certaine mesure du coefficient de frottement entre grains puisque c’est la force de frottement qui empêche les grains de glisser les uns par rapport aux autres. Par exemple, si on lubrifie, même très légèrement, les surfaces des billes de verre afin de réduire le coefficient de frottement entre grains, l’angle de repos diminue sensiblement.

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En résumé…

Des grains solides s’écoulent lorsqu’on les verse dans un récipient. Les grains versés épousent ainsi les parois du récipient comme un liquide. Au repos, les mêmes grains prennent une forme figée comme un solide. Cette forme est néanmoins limitée par une inclinaison qui ne peut pas être dépassée – il s’agit de l’angle de repos– et qui dépend des caractéristiques individuelles des grains.

L’angle de repos caractérise donc la résistance d’un assemblage de grains à l’étalement sur une surface. Cette résistance à l’étalement pour un liquide ordinaire est nulle, sauf pour des petites gouttes de liquide qui peuvent effectivement rester en équilibre sur une surface solide grâce à l’action des forces de surface entre le liquide et le solide. Dans le cas des talus granulaires, ce sont les forces de frottement entre grains qui sont responsables de la stabilité des talus.