Compacité
Le volume occupé par un matériau granulaire dépend de l’arrangement des grains. Les grains se mettent en contact les uns avec les autres tout en laissant un espace inoccupé qui constitue les pores entre les grains. Le volume total est donc la somme de deux volumes : 1) le volume effectivement occupé par les grains et 2) le volume des pores.
Le matériau est d’autant plus compact que le volume des pores est réduit. La fraction du volume occupé par les grains par rapport au volume total s’appelle compacité. De même, la fraction d’espace occupé par les pores s’appelle porosité. Lorsque le volume d’une certaine quantité d’un matériau granulaire augmente, c’est principalement la porosité qui augmente. Le volume propre de chaque grain aussi peut changer sous l’action des forces qui agissent sur un matériau granulaire. Mais, ces variations du volume propre des grains sont souvent très faibles devant les variations du volume des pores.
Effet des vibrations
La compacité d’un matériau granulaire change si on le secoue. On observe couramment ce phénomène lorsque l’on manipule des poudres et des granulats dans une cuisine ou du sable sur la plage. Par exemple, si on remplit une salière en y versant du sel et si on la tapote doucement sur son pourtour avec un doigt, le niveau du sel baisse continûment; mais si on l’agite ensuite plus fortement, le niveau du sel augmente.
Les vibrations permettent aux grains d’explorer les pores dans leur voisinage immédiat. Lorsqu’un arrangement plus compact est trouvé, les grains ont moins de facilité à bouger et il faut alors agiter plus longtemps pour trouver un arrangement encore plus compact. Ainsi, en partant d’un échantillon de matériau granulaire, préparé par exemple par saupoudrage dans un récipient, la compaction sous l’effet de secousses successives sur les parois du récipient est rapide au début, mais ralentit progressivement. Cela ressemble un peu à la recherche d’une place de parking. Plus le parking est encombré, et plus il faut chercher pour trouver un emplacement libre.
Une agitation plus forte peut accélérer la compaction à condition de ne pas trop déloger les grains. Une agitation trop forte correspond à une situation où il y a plus de voitures qui partent que de voitures qui arrivent. Elle entraîne la décompaction du milieu, c’est-à-dire une diminution de la compacité. La résistance mécanique diminue en conséquence. Une trop forte agitation aboutit à la fluidisationdu milieu: les grains ne sont alors plus en contact les uns avec les autres. Ils subissent des chocs binaires (deux à deux) entre eux un peu comme les molécules dans un gas. Mais contrairement aux molécules, les grains perdent une partie de leur énergie lors des collisions.
Figure – La compacité d’un matériau granulaire change si on le secoue.
Comme la résistance mécanique est faible dans un milieu granulaire décompacté, la fluidisation est souvent utilisée pour faciliter l’écoulement des grains. Par exemple, afin de réajuster le niveau des rails après un tassement du ballast ferroviaire, des machines spécialisées (bourreurs) enfoncent leurs bras mécaniques dans le ballast. Cet enfoncement est rendu possible par la vibration rapide des bras qui, en agitant les grains, provoquent une fluidisation partielle et donc une résistance réduite du ballast lors de l’opération de mise à niveau (le bourrage) des rails.
Compacité et mélanges
La compacité d’un milieu granulaire dépend des tailles et des formes des grains. Si le milieu possède à la fois des petits grains et des gros grains, alors les petits grains peuvent occuper les pores formés entre les gros grains et augmenter ainsi la compacité en réduisant la porosité. Par exemple, si l’on mélange deux volumes égaux de sel fin et de gros sel, on obtient un mélange dont le volume est inférieur à la somme des deux volumes initiaux.
C’est le principe utilisé pour fabriquer des bétons très compacts. Le béton est un mélange de graviers et de ciment. Pour obtenir un béton solide, il est nécessaire de boucher au maximum les pores en mélangeant des particules de tailles différentes. Par exemple, l’ajout de très fines particules de silice permet d’obtenir un béton très résistant du type de celui utilisé dans la construction de l’Arche de la Défense à Paris.
Cette propriété, qui résulte de l’existence des pores, s’applique également aux liquides et solides ordinaires. Un verre d’alcool et un verre d’eau se mélangent pour former un volume inférieur à deux verres. Les atomes de l’un glissent entre les atomes de l’autre pour colmater les trous. De même, le fait que le sel se dissout dans l’eau, suggère que le liquide contient en réalité beaucoup d’espace vide, au lieu d’être continu et plein. Ces propriétés du processus de mélange étaient avancées au 18ème siècle comme un argument en faveur de l’existence des atomes.
Lorsque les grains ont des facettes comme des polyèdres, on peut les empiler de manière à augmenter fortement la compacité. Par exemple, il est possible d’obtenir une porosité nulle en empilant des morceaux cubiques de sucre. Mais, dans la nature il n’existe pratiquement jamais de milieu granulaire ordonné. Si l’on verse les morceaux de sucre en vrac dans une boîte, on obtient un empilement plutôt très poreux et donc de faible compacité.
Empilements les plus denses
Avec des grains sphériques de même rayon, il est théoriquement possible d’obtenir une compacité de 74% en les rangeant dans une structure ordonnée particulière. C’est la plus grande compacité d’un empilement de grains sphériques de même taille. Mais, en raison du désordre, il est pratiquement impossible d’atteindre cette compacité. Un empilement de grains sphériques de même taille peut atteindre tout au plus une compacité de 64% lorsqu’il est totalement désordonné. Si la compacité d’un empilement de sphères de même rayon ne peut pas dépasser cette valeur, elle ne peut pas non plus descendre en dessous de certaines valeurs. En effet, si un empilement présente des pores plus grands que la taille d’un grain, alors il ne peut pas être très stable, puisque un grain peut rouler et occuper le pore sous l’effet de la moindre agitation. Ainsi, la compacité du sel sec dans une salière peut difficilement descendre au dessous de 58%.
Réseau de contacts
La compaction d’un milieu granulaire s’accompagne d’une augmentation du nombre de contacts entre les grains. Chaque grain est entouré de grains dans son voisinage immédiat. Certains ne le touchent pas et restent de simples voisins. D’autres le touchent ; ce sont des voisins de contact. Leur nombre varie d’un grain à l’autre. Le nombre moyen de voisins de contact dans un milieu granulaire est appelé coordinance.
La coordinance, tout comme la compacité dépend de la manière dont on prépare un empilement. Par exemple, on peut procéder par une construction couche par couche : on dépose une première couche de grains sur une surface plane. On dépose ensuite une deuxième couche en plaçant chaque grain dans le creux laissé entre trois grains de la première couche. Le grain déposé s’équilibre ainsi en s’appuyant sur ces trois grains. On dépose ensuite une troisième couche dans les creux de la couche inférieure, et ainsi de suite. A la fin, on se trouve avec un milieu dans lequel chaque grain est supporté par trois contacts de sa couche inférieure et il supporte à son tour trois grains de la couche supérieure. Ceci implique que la coordinance de ce milieu est de 6. En pratique, en raison du désordre, la coordinance est inférieur à 6.